Amnusique

Des sons qui restent en tête

mardi

18

août 2015

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Entretien #14 – Julien Sauvage (Cabaret Vert) (Part. 2)

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Amnusique revient aujourd’hui avec un 14ème entretien ! Une fois n’est pas coutume, cette fois-ci, notre interview n’est pas dédiée à un artiste en tant que tel (bien qu’il fût bassiste d’un groupe de rock il y a quelques années de cela) mais à Julien Sauvage, le directeur et fondateur du festival Cabaret Vert. Chaque fin d’été depuis sa création en 2005, Le Cabaret Vert prend ses racines pendant quatre jours en plein cœur de la ville de Charleville-Mézières, dans les Ardennes, en proposant à ses habitants ainsi qu’aux milliers de festivaliers venus de toute la France, de découvrir le patrimoine culinaire et culturel local, tout en profitant de dizaines de concerts, de spectacles d’art de rue, de films projetés et d’un salon de la BD…

Et si la programmation musicale, artistique et cinématographique est toujours excellente et bien fournie, c’est pourtant grâce à sa bonne ambiance légendaire, sa bonne bouffe, ses bonnes bières et à son côté écoresponsable, que le festival Ardennais a su tirer son épingle du jeu. Le Cabaret Vert joue de sa différence de valeurs et d’état d’esprit par rapport aux festivals plus « mainstream » et s’est ainsi rapidement imposé comme l’un des dix plus gros festivals en France, malgré son budget bien inférieur aux mastodontes que sont Les Vieilles Charrues, Solidays, Le Main Square ou encore Rock en Seines. Julien Sauvage a accepté de nous dévoiler les dessous de ce festival d’irréductibles Ardennais, qui résistent encore et toujours à la mondialisation et aux assauts répétés des grandes marques alimentaires.

Interview Part. 2
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Amnusique

Amnusique :
Est-ce que cette année vous avez eu quelques difficultés à boucler la programmation ? D’habitude l’annonce de la programmation complète se fait début juin et là on a eu l’impression que ça a un peu tardé, comme si vous attendiez un dernier gros nom qui ne s’est finalement pas fait ?

Julien Sauvage :
Oui ! Alors, cette année, on va dire qu’il y a eu deux facteurs qui sont entrés en jeu. Nous en sommes à la onzième édition, on avait dix ans d’expérience derrière, donc peut-être moins de stress. On y est allé un peu plus à la cool. On venait de faire une super édition et on s’était dit que maintenant c’était gagné. Certes, il ne fallait pas jouer aux cons pour ne pas tuer le projet, mais avoir passé nos 10 ans avec 94 000 festivaliers alors que l’objectif premier au début du projet était d’en faire 30 000, c’est fantastique… Après, je pense que si tu regardes l’ensemble des programmations des festivals, il y en a très peu en France qui ont eu « LA meilleure programmation de leur existence » cette année. Clairement, le nombre d’artistes en tournée, et notamment internationaux, est très faible en 2015. En artistes Français cette année, tous les gros on les a quasiment faits. Stromae ne tourne pas, M ne tourne pas, Shaka Ponk ne tournent pas… et c’est pareil pour les internationaux. C’est rare, mais ça arrive que tout le monde décide de faire sa pause la même année.

Donc oui, cette année on a beaucoup galéré, bien plus que les autres année, mais c’était un peu pareil pour tout le monde. Et bizarrement, l’année dernière ça a été l’édition la plus simple pour nous, en exagérant un peu. C’est vraiment le fait du hasard. Cette année était vraiment une année à la con.

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« On joue dans la même cour que les Eurocks, que Les Vieilles Charrues mais on n’a pas la même ancienneté et notoriété qu’eux. On n’a pas non plus le même budget pour les artistes ! »

Julien Sauvage :
Et puis dernière chose, c’est très très compliqué pour nous. On joue dans la même cour que les Eurocks, que Les Vieilles Charrues mais on n’a pas la même ancienneté et notoriété qu’eux. On n’a pas non plus le même budget pour les artistes ! Nous, on ne travaille pas avec Kronenbourg, Heineken, Coca, on est très peu subventionnés et notre prix d’entrée est très peu cher. Les trois entrées budgétaires c’est ça : les sponsors, les fonds publics et les billets d’entrée. Généralement les festivals peuvent compter sur deux, voire trois de ces entrées. Nous, on n’en a aucune. Si tu prends les 10 plus gros festivals Français, on doit être le dernier budget artistique.     

AmnusiqueAmnusique :
C’est vrai que vous partez avec un handicap mais c’est aussi sûrement ça qui plait, qui fait votre force et qui fait que ça marche aujourd’hui ?

Julien Sauvage :
Au niveau du public oui, mais pas au niveau des artistes. Les artistes ils s’en foutent du Cabaret Vert. Enfin je parle des gros, de ceux qui sont nos têtes d’affiche. 

Et donc, pour finir là-dessus en caricaturant un peu, au début du festival on galérait pour boucler des têtes d’affiche qui valaient 1€, aujourd’hui on galère avec des têtes d’affiches qui en valent 10. Et maintenant, ceux à 1€, comme par exemple Dionysos qu’on avait bouclé en 2006 et qui était pour nous une sorte de consécration à l’époque, on les programme beaucoup plus facilement. Plus on monte et moins les choses changent finalement.  On a tellement de propositions de groupes qui valent quelques milliers d’euros que c’est assez simple pour nous et, à côté de ça, on galère pour les grosses têtes d’affiche qui valent 150 000€.  J’imagine qu’aux Eurocks ils galèrent à celles qui valent 300 000 ou 400 000€.

AmnusiqueAmnusique :
Pour parler rapidement des autres festivals, est-ce que le fait que Rock en Seine ait changé ses dates (avant les deux festivals se déroulaient en même temps) est une bonne chose pour le Cabaret Vert, une mauvaise chose ou ça n’a aucun impact sur la fréquentation ?

Julien Sauvage :
À la base notre première édition a eu lieu à la mi-septembre. Ensuite, à partir de la deuxième édition, ça se passait le dernier week-end du mois d’août. Rock en Seine – qui existait bien avant nous – est venu sur notre week-end et ça nous a fait vachement peur. Ça nous a pas mal bloqués. Quand Christian Allex est arrivé, sachant qu’il les connaissait, il leur a fait comprendre que ça ne nous plaisait pas trop… Il y a eu un moment donné où c’était très très tendu parce qu’ils nous ont beaucoup bloqués, on s’est dit que notre festival était peut-être destiné à mourir et qu’on ne pourrait jamais grossir à cause d’eux. Mais maintenant ça se passe plutôt bien. D’ailleurs, l’édition de l’année dernière a été parfaite puisqu’ils étaient complets et nous aussi. Ça prouve bien qu’il y avait de la place pour tout le monde, même si l’on était à deux heures l’un de l’autre.

« On est en même temps que le Pukkelpop en Belgique, et là, j’ai encore du mal à jauger si ça va nous faire du mal ou pas… Je pense ça va nous en faire un peu… »

Julien Sauvage :
Cette année, on s’est vraiment posé la question de la date. Chez Rock en Seine ils trouvaient que ça faisait vraiment trop tôt le 20 août, ça les a vraiment fait chier et ils l’ont mis le dernier week-end. Nous, le souci c’est que le festival n’est vraiment tenu que par des bénévoles. Donc le mettre le dernier week-end c’était vraiment trop proche de la rentrée scolaire et de la pré-rentrée pour les profs. On a beaucoup de bénévoles qui sont profs. En plus de ça, on est en plein centre-ville donc on utilise des gymnases, alors, avec la rentrée scolaire, on aurait dû rendre les gymnases le lundi du festival… Tout démonter en une journée ce n’était pas possible ! Par contre cette année, le point positif, c’est que l’on va énormément avoir de médias Français par rapport aux autres années. On va avoir un gros truc avec Arte, Télérama et Le Monde vont venir etc… C’est vachement bien et c’est certainement parce que, justement, on n’est pas en même temps que Rock En Seine.

Malheureusement on est en même temps que le Pukkelpop en Belgique, et là, j’ai encore du mal à jauger si ça va nous faire du mal ou pas… Je pense ça va nous en faire un peu… C’est un gros gros festival, un peu à la Dour.


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Amnusique

Amnusique :
Chaque année, il y  a quelques débats sur l’affiche du Cabaret Vert ! Cette année c’est la présence du bleu ciel et du sanglier dépecé qui revenaient régulièrement dans les critiques. Tu en penses quoi de cette affiche ? Je ne sais pas si tu as pu voir un peu les critiques sur les réseaux sociaux ?

Julien Sauvage :
Alors moi au début, j’ai pris peur, c’est vrai. Je n’ai pas de Facebook mais je vais voir celui du Cabaret Vert tous les jours, le matin, en buvant mon café. Je suis donc tombé effectivement sur cette polémique qui m’a fait un petit peu peur au début… Très vite je m’en suis complètement désintéressé, en me disant que de toute façon c’était fait, qu’on ne pouvait plus revenir en arrière. Maintenant, j’en suis très content parce que le but d’une affiche c’est de faire de la communication, de se faire voir, de susciter l’interrogation et de faire parler. Je pense même que c’est la meilleure affiche que l’on n’ait jamais faite ! Il n’y a jamais eu autant de débats dessus donc c’est parfait.

C’est la première fois qu’il y a eu une unanimité totale concernant l’affiche au sein du conseil d’administration. Sauf peut-être sur la couleur bleue. C’est vrai qu’effectivement, la disparition du vert et du sous-titre « rock et territoire » ont fait peur à certains; mais le nouveau sous-titre « Rodéo Trip en Ardenne » était tellement évocateur et bien trouvé que tout le monde a accepté. 

« Pour une fois que l’on met une femme sur une affiche, on nous fait chier ! Et si jamais on avait mis un mec on nous aurait aussi pris la tête ! »

Julien Sauvage :
J’ai vu qu’il y avait eu des critiques sur la femme présente sur l’affiche mais personne n’a réfléchi que c’était tout simplement Ardwuina, la déesse Ardennaise de la forêt et de la chasse. Pour une fois que l’on met une femme sur une affiche, on nous fait chier ! Et si jamais on avait mis un mec on nous aurait aussi pris la tête ! Et personne n’en a parlé, ça m’a fait rire d’ailleurs, mais pour l’affiche du festival de BD on a pris complètement le contre-pied en mettant un mec.

Après, j’entends les remarques de certains, peut-être qu’elle a les seins un peu trop gros mais je t’avoue que je n’avais même pas fait gaffe à ça… Et pour le sanglier ouvert, c’était pour arriver à symboliser tous les aspects du festival. La grappe de raisin qui part et les morceaux de sanglier représentent le festin, les bacchanales, le banquet !

Et si tu veux, une autre raison pour laquelle l’affiche a fait l’unanimité de notre côté c’est, certes, l’aspect pâte à modeler que l’on trouvait drôle, mais surtout, le fait d’avoir bossé avec Schlep, une boîte qui travaillait avant pour les Eurocks. Ils nous ont proposé l’idée de la déesse qui chevauche un sanglier avec le concept du Rodéo Trip en Ardenne, avec ce message qui incite à venir dans les Ardennes, pour le développement local et touristique… C’était surtout l’ensemble qui nous a séduit plus que le visuel. 


AmnusiqueAmnusique :
Pour terminer avec les questions classiques, comme tu l’as dit, cette année le thème du Cabaret Vert c’est « Rodéo Trip en Ardenne ». Doit-on s’attendre à trouver un sanglier mécanique pour faire du rodéo au milieu du Square Bayard ?

Julien Sauvage :
Il y en a plein de gens qui m’ont posé cette question ! On y a vraiment pensé et on voulait même carrément le faire pour notre conférence de presse. Sauf que l’on s’était rencardé et il se trouve que les sangliers mécaniques ça n’existe pas… Il aurait fallu rhabiller un taureau mécanique mais pour que ça tienne en termes de sécurité, le coût aurait été beaucoup trop important. Donc finalement, on est resté sur le concept Rodéo Trip en Ardenne avec ce côté « Ardennes négatives, boisées, la forêt etc… ». Un endroit où tu ne sais pas trop ce qu’il va t’arriver. Quand les gens ressortiront du Cabaret Vert, ils ne se souviendront peut-être pas du nom Charleville mais ils auront forcément le mot Ardenne en tête. Et tu remarqueras que l’on n’a pas mis de « s » à Ardenne, ce qui sous-entend bien que l’on parle bien du massif Ardennais. Le Cabaret Vert se repositionne comme un festival transfrontalier : France, Belgique et Luxembourg. 


AmnusiqueAmnusique :
On commence les questions plus décalées avec le classique d’Amnusique : le CD ou le single de la honte. Est-ce que tu as, durant ta jeunesse, acheté un album ou un single que tu as un peu de mal à assumer aujourd’hui ? Jusqu’ici nous avons eu la BO de Pocahontas, le CD de la comédie musicale Notre-Dame De Paris ou encore le classique « Barbie Girl » d’Aqua. Et toi, est-ce que tu as eu ce genre d’achat malheureux ?

Julien Sauvage :
Ah ouais ! Ce n’est peut-être pas un truc aussi merdique que ce que les autres ont pu te dire mais ma soeur me bassinait tellement avec ça quand elle était gamine… Je ne sais pas si tu te rappelles de Lemon Tree ? C’était une sorte de ballade pop un peu pourrie, un peu comme The Verve, mais peut-être même en pire (rires). Et donc ma soeur, qui est responsable des loges, écoute de la musique mais elle n’a pas trop de goûts musicaux… Et peu importe où elle est, si elle est en soirée par exemple elle va s’arranger pour aller sur Deezer ou Youtube et mettre cette musique. Ça me fait aussi penser à « Porcherie » de Berurier Noir qu’elle a également beaucoup écouté par mon intermédiaire, quand elle était gosse.


AmnusiqueAmnusique :
Au contraire, l’album que tu as écouté en boucle pendant des semaines jusqu’à en dégouter ta famille, tes voisins et tes amis ?

Julien Sauvage :
L’Album c’est Thirteen Tales from Urban Bohemia des Dandy Warhols ! Cet album je l’ai écouté à fond, à fond, à fond ! Et un groupe aussi, c’est les Pixies ! C’est avec les Pixies que j’ai le plus dégoûté les gens, à force de les écouter (rires). Et mon groupe préféré c’est les Rage Against The Machine .

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AmnusiqueAmnusique :
On a vu que vous comptiez réduire le nombre de festivaliers cette année, soi-disant pour des raisons de confort, est-ce que ça ne serait pas plutôt pour éviter de te faire raser de nouveau le crâne, ou même pire… ? (Ndlr : Julien Sauvage s’était fait raser le crâne lors de la dernière édition, suite à un soi-disant pari)

Julien Sauvage :
Alors il faut savoir que je me suis fait avoir, parce qu’il n’y a jamais eu de pari l’année dernière ! Effectivement il y avait un pari qui avait été fait en 2008 ou 2009, et qui disait que si l’on faisait 50 000 entrées je devais me raser la tête. Mais comme j’étais maire adjoint à l’époque je leur avais dit que ce n’était pas possible. Et là, c’est juste un ou deux mecs qui ont relancé ça, je ne sais pas pourquoi, mais ça a pris en interne… Et le dimanche soir, je suis tombé dans un guet-apens en pleine réunion responsables. On était une centaine et mon directeur adjoint, avec l’aide des deux responsables bénévoles avaient tout organisé dans mon dos. Le directeur adjoint a pris la parole, il a fait un énorme discours et la chute c’était de me raser la tête.

Je ne l’ai pas vu venir… Je me suis fait avoir. Il y avait donc deux solutions, soit ils me tenaient tous ou soit je me laissais faire. On avait eu un dimanche fort en émotions pour tout un tas de raisons et dans l’ambiance qu’il y avait, je me suis dit que si je ne le faisais pas, ça allait casser quelque chose. Tant pis, il n’y avait pas eu de pari, je m’étais fait avoir, mais si je le faisais c’était la classe.

Ensuite, on était complet, archi complet l’année dernière, donc si le festival devait s’agrandir ça ne serait pas avant deux ou trois ans. Mais je t’avoue que ça va être très très dur. Ça ne veut pas dire que c’est mort mais ça va être très compliqué. Je vois mal comment ça pourrait arriver de nouveau.


AmnusiqueAmnusique :
On sait que ta maman est professeur de Français et que c’est elle qui t’a soufflé l’idée d’appeler le festival « Le Cabaret Vert » (en hommage au poème de Rimbaud).

Julien Sauvage :
Ah non, depuis, c’est pire ! Elle est docteur en lettres classiques ! Un truc à la con (rires). Sa seule vie c’est son chat et son latin, elle reste seule chez elle, personne ne la fait chier et elle est contente. On la sort le dimanche en repas de famille, on picole et elle est contente (rires). 

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« Ma mère est assez d’accord avec moi quand je dis qu’Arthur Rimbaud était le premier punk »

AmnusiqueAmnusique :
Est-ce qu’il t’arrive des fois de penser au nom que le festival aurait pu porter si elle avait été prof de math, banquière ou charcutière ?

Julien Sauvage :
(rires) ! Je t’avoue que je ne me suis jamais posé la question ! Ma mère m’a mis la pression lors d’un repas de famille, je n’avais pas trouvé le nom du festival, j’étais en train de me prendre la tête et elle m’a, je crois, quasiment obligé à faire une référence à Rimbaud. Elle me disait qu’on ne pouvait pas faire un truc à Charleville sans le lier à Rimbaud. Ma mère est assez d’accord avec moi quand je dis qu’Arthur Rimbaud était le premier punk. La représentation de la jeunesse désinvolte et rock’n roll, c’était juste parfait.

On a donc pris le recueil de tout ce qu’avait pu écrire Rimbaud pour sélectionner des titres qui auraient pu être pas mal. On avait dû en sortir une dizaine et le Cabaret Vert en faisait partie. Ce nom, je trouve qu’il est juste parfait. On a le côté spectacle, événementiel, musique avec le mot cabaret et le vert pour le côté écolo. On ne pouvait pas trouver mieux donc je t’avoue que je ne me suis jamais posé la question de « comment il aurait pu s’appeler autrement ». Ça m’a plutôt retiré une épine du pied. 

Je n’ai pas la paternité de grand-chose au Cabaret Vert, mais j’en suis le patron, et vu comme ça tourne je pense que je ne suis pas trop mauvais (rires). Le fait que plein d’autres personnes s’y retrouvent et qu’ils aient amené énormément, je trouve ça très bien. J’essaye juste de faire le tri entre les bonnes et les mauvaises idées. Une sorte de chef d’orchestre. 


AmnusiqueAmnusique :
On beaucoup d’influence chez Amnusique et on a le pouvoir de faire revenir sur scène les mythiques Rage Against The Machine pour un dernier et unique concert au Cabaret vert 2016. On sait que tu les adores… mais en contre-partie tu dois choisir entre l’une de ces quatre contraintes à faire pendant toute la prochaine édition :

a) Te brosser les dents avec de la tarte au Maroilles
b) Aborder un T-Shirt « I Love Heineken, Fuck the Chouffe »
c) Tester toi-même le nouveau concept du festival Danois Roskilde qui consiste à transformer ton l’urine en bière
d) Jeter tous tes papiers et tes déchets au visage des bénévoles

Julien Sauvage :
Le petit 2 j’aime bien ! J’aime beaucoup ! Le troisième, indirectement on peut considérer qu’on le fait. On récupère déjà les urines, on va les épandre dans les champs dans lesquels tu vas faire pousser des céréales liées à la bière et indirectement ça devient de la bière. Donc ce n’est absolument pas dégueulasse ! Je préfère plutôt que ce soit de la pisse des gens plutôt que de l’engrais chimique. Le 3 pour moi n’est même pas un point négatif.

« S’il y a bien une bière sur laquelle on pourrait être attaquables sur le festival c’est la Chouffe. Avant la Chouffe c’était la brasserie d’Achouffe, qui était indépendante, et ça a été racheté par Duvel Moortgat qui est un des plus gros consortiums brassicoles au monde »

Julien Sauvage :
Par contre le point numéro 2 j’aime bien parce que j’adore être une tête de con un peu provocatrice (rires). En plus, s’il y a bien une bière sur laquelle on pourrait être attaquables sur le festival c’est la Chouffe. Avant la Chouffe c’était la brasserie d’Achouffe, qui était indépendante, et ça a été racheté par Duvel Moortgat qui est un des plus gros consortiums brassicoles au monde. C’est un peu plus petit qu’Heineken mais ça reste très important. La bière est toujours brassée à d’Achouffe, dans les Ardennes Belges, donc on s’en sort sur le côté Ardennais et la provenance en nombre de kilomètres; mais on n’est plus trop dans la défense du côté indépendant. Pour toutes les autres ça va, on a le cul propre, mais sur la Chouffe…

Bon, après, se dire que la Chouffe c’est le pire produit que l’on ait sur le Cabaret Vert, c’est quand même pas mal. Surtout que les propositions des Heineken et des Kronenbourg on les a eu. Plusieurs centaines de milliers d’euros. Quand tu refuses ça alors que tu es dans la merde au niveau de l’argent…c’est tendu ! Maintenant, les gens à qui j’achète les produits je les connais, je vois à quoi ils ressemblent, j’ai des relations humaines avec eux. Je sais que l’on génère de l’argent pour les Ardennes et le territoire et c’est ça qui est cool. Et puis l’important surtout c’est que les produits sont bons.

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« Stratégiquement parlant, notre côté « on n’est pas comme les autres, on ne fait pas de la bouffe et de la boisson dégueulasses » devient un super concept marketing. Un super concept marketing de dire que l’on est contre le marketing »

Julien Sauvage :
Je pense que si acceptait Heineken, on prendrait énormément d’argent et on sauverait le festival sur les trois prochaines années. Par contre, dans trois ou cinq ans, le festival serait mort. 
Stratégiquement parlant, notre côté « on n’est pas comme les autres, on ne fait pas de la bouffe et de la boisson dégueulasses » devient un super concept marketing. Un super concept marketing de dire que l’on est contre le marketing, si on exagère un peu. On commence seulement depuis deux ou trois ans à récolter le fruit de notre travail.


AmnusiqueAmnusique :
Sachant que Charleville-Mézières est connue pour le Festival Mondial De La Marionnette, n’est-on pas tenté d’inviter les Puppetmastaz  à se produire au Cabaret Vert, pour le clin d’œil ?

Julien Sauvage :
Si ! Mais en fait ils sont déjà venus à Charleville. Christophe Millau, qui l’un des adjoints du responsable de tout le chantier sur le Cabaret Vert, était devenu le directeur du festival de la marionnette à la mort de Jacques Félix en 2006. Il avait essayé d’en faire un festival plutôt populaire qu’élitiste, et il avait fait venir Puppetmastaz cette année-là sur la Place Ducale et c’était gratuit. Nous, à l’époque, au Cabaret Vert on n’avait pas le budget pour les faire venir mais on s’était dit que les reprogrammer dans la foulée ça n’avait pas trop d’intérêt.

Et puis depuis que Christian Allex est là, lui-même nous dit qu’il y a quand même mieux à faire. De toute façon, le clin d’œil à la marionnette on l’a fait depuis l’année dernière avec l’extension de l’espace art de rue en art forain, sans que ça soit outrancier et que ça se voit. Un peu comme Rimbaud, on lui fait des clins d’œil à droite et à gauche mais il n’est quand même pas fort présent. On ne voulait pas récupérer le truc.


AmnusiqueAmnusique :
Et bien justement, en parlant de Rimbaud, s’il était encore vivant, tu penses qu’il aurait dit quoi à propos du Festival du Cabaret Vert ? J’ai quatre propositions !

Julien Sauvage :
Ah, ça c’est bien qu’il y ait des propositions (rires) ! 

Amnusique

Amnusique :
a) Je ne viens pas, la programmation est à chier, rendez-nous Tchaïkovski, Wagner et Verdi ?

b) On m’appelle l’homme aux semelles de vent, je veux absolument voir The Shoes ?
c) Je prends mon pass 4J, ce festival c’est enfin l’occasion rêvée de faire chier les riverains ?
d) Vous êtes des génies. De la bouffe, de l’alcool et de la boue pendant 4 jours, pourquoi on y avait pas pensé avant ?

Julien Sauvage :
(rires) !! Ah, les deux dernières me plaisent bien ! Faire chier les riverains et le côté « c’est n’importe quoi, c’est drôle ». Mais je vais prendre la troisième, : faire chier les riverains. Les petits bourgeois de Charleville (rires). L’avenue Saint-Julien (Ndlr : une avenue proche du lieu du festival) c’est l’une des rues les plus bourgeoises de la ville, c’est donc une bonne référence au côté anti-bourgeoisie de Rimbaud.


AmnusiqueAmnusique :
Un petit questionnaire à répondre du tac au tac mêlant deux thèmes chers au Cabaret vert : l’écologie et la musique. Si tu devais nous donner le nom d’un morceau récent que tu mettrais bien à la poubelle parce qu’il fait beaucoup trop de mal à la planète et à nos oreilles ?

Julien Sauvage :
Olala… la question… Aucune idée, je t’avoue que ça fait trois mois que je n’écoute quasiment pas de musique ! Je ne fais que travailler. Sans réfléchir, je te dirais, comme ça, sur le vif : Stromae Papaoutai. Je sais pas pourquoi je pense à ça. Elle me soûle… Je déteste la radio, j’ai plutôt tendance à écouter des choses que je connais déjà. Je ne suis pas fait pour être programmateur. 
AmnusiqueAmnusique :
Un morceau que tu écoutes en ce moment et qui te donne une bouffée d’oxygène et d’air frais à chaque fois que tu l’écoutes ?

Julien Sauvage :
Peut-être Drenge ! En ce moment je les écoute pas mal, ils sont programmés sur le festival, ça me donne pas mal d’énergie.
AmnusiqueAmnusique :
Un artiste/groupe qui est passé par le Cabaret vert et qui s’est conduit comme une véritable ordure ?

Julien Sauvage :
Mano Solo ! À la première édition. Il s’est conduit comme une ordure du début jusqu’à la fin. Le plus beau ça a été au moment du repas où il ne voulait pas manger ce qui était proposé. Il y avait quatre plats au choix, c’était une sorte de restaurant. On lui a demandé ce qu’il souhaitait manger, il nous a répondu que c’était à nous de lui faire des propositions. On lui fait donc des propositions, mais lui ne voulait rien de ce que l’on lui proposait…

Donc à un moment donné, on lui redemande ce qu’il veut manger, parce que ce serait quand même plus simple. Bref, on arrive à se mettre d’accord sur du poisson avec des pommes de terre vapeur. On n’avait pas de cuisine à l’époque, on avait juste un traiteur qui réchauffait sur place. Ce mec-là a dû rentrer chez lui vers 23h pour cuisiner son plat. Une demi-heure plus tard, il revient avec le poisson et deux citrons… Mais Mano Solo en voulait absolument trois…

« À un moment donné il a même carrément insulté le public en lui disant « ceux qui sifflent, je les encule ». Il est également parti en pillant tout ce qu’il y avait dans sa loge »

Julien Sauvage :
On a donc dû réveiller un marchand de fruits et légumes pour le troisième citron… Et au final, il a mangé une bouchée du poisson, il n’a utilisé aucun citron et il nous a offert un concert de merde ! À un moment donné il a même carrément insulté le public en lui disant « ceux qui sifflent, je les encule ». Il est également parti en pillant tout ce qu’il y avait dans sa loge. Un exemple qui m’avait toujours fait halluciner : il avait amené son chien, donc on avait acheté des croquettes, une gamelle d’eau etc… Et même ça, il l’avait volé !

Après, il faut le remettre dans le contexte, c’était notre première édition, on n’était peut-être pas super-carrés, il avait peut-être des raisons d’être un peu énervé… Mais bon, le lendemain on a fait Jacques Higelin et ça a été comme sur des roulettes. Donc je ne sais pas… Ce n’est pas le pire que l’on ait eu mais comme je devais répondre du tac au tac c’est lui qui m’est venu à l’esprit en premier. On lui en veut beaucoup. (Ndlr : Mano Solo, qui est également le fils du dessinateur Cabu, est décédé en 2010)
AmnusiqueAmnusique :
Un artiste/groupe qui est passé par le Cabaret vert et que tu aimerais recycler pour une prochaine édition tellement c’était bon ?

Julien Sauvage :
Bonne question… Je dirais Public Enemy, mais ça va être dur, ils sont déjà bien recyclés (rires) ! Il y a des groupes qui ont bien marché et qu’on aimerait bien faire revenir. C’était le cas pour Dionysos, Birdy Nam Nam… On aimerait bien faire revenir Franz Ferdinand, ils avaient fait un beau concert en 2012.


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AmnusiqueAmnusique :
Pour terminer, si tu devais conseiller un lieu à quelqu’un qui ne connait pas les Ardennes et Charleville-Mézières : Pour écouter de la bonne musique ?

Julien Sauvage :
Au Cabaret Vert ! (rires)
AmnusiqueAmnusique :
Merde, tu vas me répondre le Cabaret Vert à chaque fois (rires) !
Pour boire un bon breuvage ?

Julien Sauvage :
Au Vert Bock en journée, La Péniche en soirée. À défaut de pouvoir accrocher une petite équipe de bons Ardennais (rires). Si tu ne connais personne et que tu te retrouves tout seul, ce sont les deux bars où il faut aller sur Charleville.
AmnusiqueAmnusique :
Pour s’en mettre plein la panse ?

Julien Sauvage :
C’est une bonne question… Place Ducale ! Pour citer au moins une fois la Place Ducale dans l’interview !
AmnusiqueAmnusique :
Pour s’évader et se déconnecter de la réalité ?

Julien Sauvage :
La vallée de la Meuse, la vallée de la Semois. Ils louent des pénichettes où tu peux monter à une dizaine, avec des couchages. Tu pars dans la vallée de la Meuse et c’est juste incroyablement magnifique. Si tu t’es bien organisé, tu pars avec de la bière, de la bouffe et un barbecue et tu t’arrêtes où tu veux en pleine nature. Pour l’avoir déjà fait, je peux te dire que c’est juste génial. 

AmnusiqueAmnusique :
Du coup tu peux bien boire, bien manger, écouter de la bonne musique et te déconnecter de la réalité sur une péniche !

Julien Sauvage :
Exactement ! Et tout ça, sans le Cabaret Vert (rires) !


AmnusiqueAmnusique :
Merci à toi Julien d’avoir répondu à toutes nos questions ! Bon courage pour la suite et bon festival.


interviewpart1


Crédits photos :  ©Louise Vayssié, ©Darkroom, ©Hervé Dapremont, ©Cabaret Vert.

Publié par : , Catégorie(s) : Entretiens

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